Qu'elles soient alimentaires, respiratoires ou dermatologiques, les allergies sont en recrudescence depuis les années 70 et encore plus ces 10 dernières années. Elles touchent particulièrement les jeunes enfants même si elles peuvent survenir à tout âge. Quelles en sont les causes ? La recherche dispose de quelques éléments de réponse même si beaucoup reste à faire.
Allergies : les facteurs de risque
Jusqu’il y a peu, les allergologues pensaient que les allergies étaient héréditaires et qu’un terrain allergique déterminé dès la naissance, ne pouvait jamais disparaitre. Depuis le début des années 70, la recrudescence des allergies vint contredire cette hypothèse. En effet, le développement accéléré des allergies (rhinites allergiques, asthme, eczéma etc...) ne pouvait être uniquement dû à l’hérédité. Aujourd’hui, les chercheurs attribuent cette accélération à l’environnement. Les pays occidentaux sont ceux qui sont le plus touchés par un fort développement des allergies. Aussi les scientifiques partent-ils du postulat que ce sont les modes de vie et les conditions environnementales de ces pays qui sont mis en question. Bien que les scientifiques n’aient pas encore reconstitué tout le puzzle, leurs conclusions sont sans appel.
Selon Andrew Weil, directeur du programme de recherche de médecine intégrative (1) et professeur de médecine clinique de l’université d’Arizona, Faculté de médecine de Tucson, "il n’est pas possible d’éliminer une prédisposition héréditaire aux allergies, cependant il est possible d’agir sur le système immunitaire, en choisissant un style de vie adapté et en modifiant son environnement. L’allergie est une réponse du système immunitaire face à une invasion supposée de l’organisme, il est donc important d’agir afin que l’ennemi supposé soit de nouveau considéré comme bienveillant."
Allergies : les prédispositions génétiques
L'allergie survient plus souvent chez des personnes génétiquement prédisposées c'est-à-dire que la plupart du temps, un parent voire les deux souffrent ou ont souffert d'allergies. On parle de terrain atopique ou d'atopie. Le risque de devenir allergique est croissant en fonction des antécédents familiaux, ainsi le risque est de 75% si les deux parents sont allergiques. Il est de 25 à 40% si un seul des parents est allergique. Lorsqu'il n'y a pas d'antécédents familiaux, le risque n'est que de 12 à 15%. Au sein de la même famille, les manifestations allergiques peuvent être similaires ou différentes (eczéma, urticaire, rhinite allergique, asthme allergique) mais sont en général de même catégorie.
L’interleukin-4 est l'une des protéines qui joue un rôle essentiel dans les réactions allergiques. Elle augmente la production des anticorps IgE, qui favorisent la survenue de symptômes gênants (œdèmes, difficultés respiratoires, rhinites, toux). Des scientifiques supposent que la prédominance chez les Afro-Américains d’un gène qui favorise la production d'interleukine-4 pourrait être la raison pour laquelle ces derniers souffrent d’un des taux les plus élevés d'allergie et d'asthme aux Etats-Unis. En effet, certaines études montrent que les Afro-Américains ont des niveaux très élevés d'interleukine-4. Certains scientifiques relient cette prédominance au fait que probablement, leurs ancêtres en avaient besoin pour lutter contre les parasites tropicaux. Cette prédominance demeure encore aujourd’hui alors que ces nombreuses protéines d'interleukine-4 s’attaquent maintenant à des allergènes inoffensifs.
Allergies : environnement et mode de vie
Maintes et maintes fois, les chercheurs ont constaté, auprès de groupes de même origine raciale, des taux d'allergies radicalement différents selon la typologie d’environnement où ils vivaient. Dans la plupart des cas, on constate une recrudescence des allergies dans des environnements nantis et urbanisés. Le schéma est vrai en Asie, où les Japonais très urbanisés sont plus allergiques que les Chinois en milieu rural. Il est également vrai en Afrique, où les résidents métropolitains sont plus allergiques que les personnes vivant en brousse.
L’une des études les plus parlantes a été menée en Allemagne, juste après la réunification de l’Allemagne de l’Est et de l’Allemagne de l’Ouest. Selon Harold Nelson, médecin et chercheur au National Jewish Medical Centre de Denver, il en est ressorti que les Allemands de l’Ouest, plus riches que leurs cousins de l’Est, souffraient beaucoup plus d’allergies que ces derniers. Ce constat venait alors balayer le postulat selon lequel la pollution, à laquelle les Allemands de l’Est étaient bien plus exposés que ceux de l’Ouest, portait une lourde part de responsabilité dans le développement de l’épidémie d’allergies. Or, en dehors du cas du tabagisme passif en intérieur qui accroit effectivement le risque d’asthme chez les enfants, l’implication de la pollution de l’air dans le développement de l’asthme et d’autres formes d’allergies n’est pas avérée.
En revanche, il existe une forte corrélation entre les allergies et d'autres facteurs environnementaux tels que le statut socio-économique, la taille de la famille, les infections de la petite enfance et l'alimentation. S’il subsistait le moindre doute que l'environnement n’était pas une force motrice dans l'allergie, ce qui s'est passé en ex-Allemagne de l'Est dans les 10 ans suivants la réunification permet de le lever. Le modèle capitaliste y est devenu la norme, le niveau de vie a spectaculairement augmenté et avec, le taux d’allergies. Aujourd'hui, toute l'Allemagne est aux prises avec des taux extrêmement élevés d'allergies.
Lorsque les scientifiques ont identifié l'allergie comme une maladie de la vie occidentale, ils pensaient que l'explication était simple : les maisons sont remplies de tout un tas de choses et notamment de pollution intérieure, d’animaux domestiques et l’on y consomme des aliments transformés. « Nous avons d'abord pensé que la prévalence croissante de l'asthme était liée à la qualité de l'air intérieur des maisons (mieux isolées, surchauffées ou humides, l’air ne se renouvelle pas suffisamment) ou à leur emplacement (promiscuité des immeubles, maisons mitoyennes etc...), » dit Nelson. « Il ne fait aucun doute que la qualité de l'air intérieur des maisons s'est détériorée avec l'occidentalisation. Tout le monde pensait avoir trouvé la réponse globale. Puis, nous avons commencé à voir des situations où cette hypothèse ne cadrait pas ». Pour preuve, Nelson cite des études européennes montrant que des nourrissons exposés à des chiens ou des chats à la maison développaient 50% d’allergies en moins que des enfants venant de foyers sans animaux. C'est de ce constat que s’ébaucha l'hypothèse de l'hygiène.
L'hypothèse d'hygiène indique que notre mode de vie trop aseptisé à l’occidentale maintient le système immunitaire dans l’incertitude, le déséquilibre et le rend incapable de distinguer les amis des ennemis. Les chercheurs pensent qu'une grande partie de cette confusion se met en place dans l'enfance. Tout porte à croire que le système immunitaire immature d’un bébé ne peut se développer correctement que s’il est exposé à des bactéries provenant d’aliments fermentés. Par ailleurs, une exposition prématurée aux antibiotiques, semble créer le mauvais stimulus en perturbant l'équilibre entre les bactéries amicales et hostiles. Il en résulte une augmentation du risque d'allergies. Le défi à relever pour les scientifiques consiste à comprendre comment se combinent le mode de vie - trop aseptisé - occidental, la génétique et l'environnement pour créer des allergies. Mais, puisque deux de ces trois facteurs sont contrôlables, il y a grand espoir qu'un jour les personnes allergiques puissent vivre (presque) comme tout le monde.