Selon une étude menée par des chercheurs de la Harvard T.H. Chan School of Public Health, les femmes fortement contaminées par les retardateurs de flamme (quantités importantes de retardateurs de flamme retrouvées dans le sang) ont plus de risque de souffrir de déséquilibres de la thyroïde. Et le risque peut être bien plus important chez la femme post-ménopausée.
Cette nouvelle étude est la première à suggérer un lien entre les polybromodiphényléthers (PBDE), c’est-à-dire les retardateurs de flamme, et l’augmentation du risque de problèmes thyroïdiens chez la femme ménopausée, dans un échantillon représentatif de femmes à l’échelle des États-Unis. Les problèmes thyroïdiens incluent l’hyperthyroïdie, le goitre ou la maladie d’Hashimoto.
L'étude a été mise en ligne le 23 mai 2016 dans le journal Environmental Health. "Ces produits chimiques sont partout, dans le sang des ours polaires ou des aigles, en passant par celui des êtres humains de chaque continent, a déclaré Joseph Allen, professeur assistant à la Harvard Chan School, en charge de l’évaluation des risques d’exposition chimique, et auteur principal de l’étude. Cette exposition quasi permanente implique que nous faisons tous partie d’une expérimentation mondiale sur l’impact que peuvent avoir les produits chimiques, sur la façon dont ils dérèglent l’appareil endocrinien de notre corps."
Les PBDE ont été utilisés en tant que produits ignifugeants pendant des décennies, en grande partie pour les meubles et dans des quantités pouvant représenter jusqu’à 20 % du poids du produit. Avec le temps, ils sont passés dans l’air, se sont installés dans la poussière des maisons, des écoles et à l’extérieur, et se sont accumulés dans notre corps. Des études antérieures ont montré que ces produits chimiques s’accumulaient dans les tissus adipeux et interféraient avec les fonctions hormonales, notamment les hormones thyroïdiennes. Puisqu’on sait que les niveaux d’œstrogènes régulent les hormones thyroïdiennes, les chercheurs ont avancé le fait que les femmes post-ménopausées pouvaient être particulièrement vulnérables aux effets des PBDE sur la thyroïde.
Les chercheurs ont analysé un échantillon de femmes à l’échelle nationale au cours de l’étude NHANES (National Health and Nutrition Examination Survey). Ils ont comparé les niveaux de quatre PBDE courants dans des prélèvements sanguins effectués sur ces dernières en 2003-2004, aux antécédents de problèmes thyroïdiens dont elles avaient souffert. Les chercheurs ont trouvé que, globalement, les femmes avaient environ cinq fois plus de chance que les hommes d’avoir un problème au niveau de la thyroïde. Le pourcentage allait de 13 à 16 % chez les femmes et de 2 à 3 % chez les hommes.
Les femmes ayant la plus haute concentration de retardateurs de flamme dans le sang étaient bien plus à risque de développer des problèmes thyroïdiens que celles qui avaient des concentrations plus basses. L’ampleur de l’effet était multiplié par deux chez les femmes post-ménopausées. "Dans notre corps, ces produits chimiques ignifugeants ressemblent aux hormones endogènes produites par notre corps et fonctionnent exactement comme elles. Devrait-on alors être surpris d’observer des effets en aval sur la santé des femmes ayant des taux importants de produits chimiques dans leur corps ? Je ne le pense pas. C’est très logique et on pouvait s’y attendre", déclare Allen. Une des limites de l’étude est qu’elle n’a pas été en mesure de déterminer les effets des nouveaux produits chimiques ignifugeants car ils n’ont pas encore fait l'objet d'examen par l’étude NHANES.
Références : PBDE flame retardants, thyroid disease, and menopausal status in U.S. women. Joseph G. Allen, Sara Gale, R. Thomas Zoeller, John D. Spengler, Linda Birnbaum, Eileen McNeely, Environmental Health, online May 23, 2016, doi: 10.1186/s12940-016-0141-0. cancer-environnement.fr. Autres sources : cancer-environnement.fr.