Les chercheurs sont formels : plus notre temps de sommeil est court, plus courte sera notre vie. Quels sont les dangers du manque de sommeil et quelles sont les solutions pour mieux dormir ?
En France aujourd’hui, ¼ de la population déclare manquer de sommeil. Mode de vie stressant, obligation à faire toujours plus et toujours mieux ou encore attraits des écrans nous font oublier nos besoins physiologiques et nous amènent à diminuer notre temps de sommeil.
Or, les chercheurs sont formels : plus notre temps de sommeil est court, plus courte sera notre vie. Car il n’y a pas un seul élément de notre constitution qui ne soit pas affecté par le manque de sommeil.
Si nous connaissons tous les désagréments à court terme d’une mauvaise nuit (fatigue, manque de vigilance, etc.), nous avons moins conscience des risques sur le long terme qu’entraîne un sommeil insuffisant ou de mauvaise qualité.
Découvrons plus en détail les conséquences d’un manque de sommeil chronique et comment y remédier.
Quelles sont les conséquences du manque de sommeil sur la santé ?
Dépression
Nous avons tous fait l’expérience d’un ralentissement et d’une émotivité accrue après avoir mal dormi. Mais lorsque le manque de sommeil devient chronique, le retentissement sur la santé psychique peut devenir majeur, conduisant à des états dépressifs. Il y a une forte corrélation entre insomnie et dépression et autant l’insomnie est un symptôme majeur de la dépression, autant le déficit en sommeil aggrave le syndrome dépressif induisant des altérations de l’humeur et des représentations négatives, un ralentissement psychomoteur, un désir de mort et des idées suicidaires ainsi que des troubles somatiques associés(1).
Surpoids et obésité
On connaît maintenant bien ce phénomène : quand on dort peu, on a envie de compenser avec de la nourriture et l’on mange davantage - environ 385 calories de plus par jour. Et comme on bouge de la même manière, voire moins, car on est fatigué, cela entraîne inévitablement une prise de poids à terme(2). Ceci est d’autant plus vrai que le manque de sommeil induit une nette préférence pour les produits gras (chez les adultes) et les produits sucrés (pour les adolescents) conduisant à un déséquilibre des apports énergétiques.
En outre, même quand on ne mange pas davantage, le manque de sommeil provoque une modification négative de la métabolisation des graisses et des sucres qui induit une prise de poids.
Enfin, des paramètres hormonaux non négligeables peuvent jouer. Quand on ne dort pas assez, l’hormone de croissance, qui joue un rôle dans la régulation de la masse grasse, est produite de manière insuffisante.
Les liens entre manque de sommeil et surpoids/obésité sont aujourd'hui largement documentés chez l’enfant comme chez l’adulte. (3)(4)
Diabète
Le manque de sommeil semble induire une résistance accrue à l’insuline conduisant à un risque plus important de développer un diabète de type 2 (4). Si cette hausse de la résistance à l’insuline explique pour une part la prise de poids induite, elle est aussi une porte d’entrée importante vers le diabète acquis…
En outre, et ce, malgré une prise en charge diététique, le diabète de type 2 peut s’aggraver et causer de lourdes conséquences sur l’état de santé de la personne.
Ainsi, dès lors que l’on présente des facteurs de risque pour le diabète (antécédents familiaux, surpoids, glycémie élevée…), il est primordial de soigner son sommeil et de respecter ses besoins physiologiques.
Maladies cardiovasculaires
Le manque de sommeil répété provoque, selon de nombreuses études, différents effets biologiques parmi lesquels une augmentation de stress oxydatif et des processus inflammatoires. Ces mécanismes entrent en jeu dans le développement des maladies cardio-vasculaires (5).
Dès lors, les petits dormeurs sont davantage exposés que les autres aux risques d’infarctus, d’AVC, d’hypertension ou d'arythmie, et ce, indépendamment d’autres facteurs comme l’alimentation ou le niveau d’activité physique.
Développement du cerveau
Si l’on se rend bien compte qu’un manque de sommeil, même ponctuel, peut entraîner une baisse de la concentration et des difficultés d’apprentissage et de mémorisation, on n’aurait pas imaginé, il y a encore quelques années de cela, que dormir trop peu peut nuire au bon développement du cerveau chez les adolescents et les jeunes adultes !
C’est pourtant le cas, comme l’a mis en évidence une récente étude de l’INSERM (7). Ce travail montre qu’une durée de sommeil inférieure à 7 heures en semaine et une heure de coucher tardive le week-end entraînent une diminution du volume de matière grise dans trois régions cérébrales : le cortex frontal, le cortex cingulaire antérieur et le précuneus. Ces zones qui notamment impliquées dans l'attention, la concentration et la capacité à réaliser des tâches simultanées.
On comprendra donc qu’il est primordial d’aider nos ados à mieux dormir et surtout suffisamment !
Maladie d’Alzheimer
Une récente étude américaine a établi un lien entre le développement de la maladie d’Alzheimer et le manque de sommeil (7).
L'une des caractéristiques de cette pathologie cérébrale est la présence dans le cerveau de plaques dites “amyloïdes qui sont formées par des agrégats de peptides bêta-amyloïdes produits par les neurones. La synergie entre ces plaques et une autre protéine, la protéine tau phosphorylée, aboutirait à la dégénérescence des neurones chez le malade. Or, lorsque le sommeil fait défaut, le taux de peptides bêta-amyloïdes augmentent de manière délétère ce qui pourrait conduire à terme à un risque accru de développer la maladie d’Alzheimer.
Baisse de la fertilité
La baisse de fertilité masculine est en train de devenir un problème majeur dont les causes sont encore incertaines quoi que des pistes existent. Le manque de sommeil en est une importante.
En effet, d’après une étude (8), dormir trop peu induit une baisse notable de la quantité de spermatozoïdes dans le sperme ainsi qu’une diminution du nombre de spermatozoïdes bien formés.
Et il n'y a pas que les hommes qui sont concernés. Selon les spécialistes, ne pas dormir correctement peut avoir un impact sur la fertilité des femmes en jouant sur la régulation de l'ovulation.
Cancers ?
Les travailleurs de nuit ainsi que les personnels navigants ont une tendance à développer davantage de cancers que les autres, ce qui pourrait s’expliquer pour une part au dérèglement des rythmes de leur sommeil.
En effet, la sécrétion de faibles taux de mélatonine (qui est une hormone sécrétée par le corps durant le sommeil) peut entraîner une augmentation des mutations génétiques, des dommages oxydatifs plus importants, une moins bonne réparation de l'ADN et un système immunitaire affaibli-tout autant de facteurs favorisant la formation de cancers.
Le manque de sommeil peut également contribuer à la perturbation des gènes impliqués dans la suppression des tumeurs.
Il semble que les cancers du sein(9), de la prostate(10) et du côlon soient tout particulièrement corrélés au manque de sommeil.
Comment mieux dormir et préserver sa santé
Tout comme manger sainement ou avoir une activité physique régulière, soigner son sommeil est un moyen de prévenir tout autant des troubles handicapants que des pathologies lourdes.
Prendre conscience des risques est déjà un vrai pas en avant car à partir de là, nous pouvons décider de ne pas traîner devant la télévision ou l’ordinateur jusqu’à des heures indues.
C’est aussi ce qui doit constituer un vrai déclic pour faire de son sommeil une priorité et considérer l’insomnie pour ce qu’elle est vraiment : un problème majeur.
Les réflexes pour mieux dormir
La qualité du sommeil repose parfois sur peu de choses.
L’alimentation, par exemple, est un facteur clé pour bien dormir. Afin d’améliorer la qualité et la quantité de votre sommeil, il est recommandé :
- D’éviter les excitants (café, cola, thé…) après 15h
- De dîner tôt - vers 19h afin d’avoir le temps de bien digérer avant d’aller au lit
- De dîner légèrement en évitant les plats riches en graisses et en sucres rapides et de préférer un repas végétarien à base de légumes, légumineuses et céréales, car les protéines animales sont longues à assimiler. Les aliments de fast-food sont particulièrement pointés du doigt et leur consommation est directement liée à un sommeil médiocre (11). De fait, si vous devez ponctuellement craquer pour un burger frites, faites-le plutôt le midi…
- De ne pas grignoter devant la télévision
- De limiter les boissons après 21h afin de ne pas être réveillé par des envies pressantes.
D’autres astuces permettent d’améliorer simplement le sommeil :
- Exposez-vous à la lumière du jour durant la journée pour harmoniser vos rythmes circadiens
- Pratiquez une activité physique régulière, mais évitez le sport après 19h-20h
- Ne surchauffez pas votre chambre
- Veillez à avoir une bonne literie
- Débranchez ordinateurs, tablettes et smartphones au moins 1 heure avant d’aller au lit et préférez des activités relaxantes : lecture, méditation, etc.
Limiter le stress et l’anxiété
Le manque de magnésium arrive au premier plan des causes, mais aussi des effets du manque de sommeil. En effet, les carences en ce minéral essentiel produisent des réveils nocturnes et une anxiété délétère tant pour l’endormissement que pour la qualité du sommeil.
Mais les carences créent un véritable cercle vicieux :
- Le manque de magnésium fatigue. En contrepartie, nous avons tendance à consommer davantage de café et d’excitants. Or, la caféine entraîne une perte urinaire accrue en magnésium (12).
- La dette de sommeil créée par le manque de magnésium nous fait nous tourner vers des “aliments refuges” riches en sucres et en graisse (13). Cette alimentation déséquilibrée tend à entraîner une carence en magnésium.
- Si le manque de magnésium induit du stress, le stress stimule lui-même la production des catécholamines, les "hormones du stress" qui favorisent la fuite du magnésium en dehors des cellules, puis son élimination dans les urines (14).
- Quant aux neuroleptiques et aux anxiolytiques, prescrits dans certains cas de dépression et d’anxiété, ils sont également un facteur de déficit en magnésium…
Une cure de magnésium permet de sortir de ce cercle vicieux et de remédier souvent très efficacement aux problèmes d’insomnie en réduisant le temps d’endormissement, en diminuant les réveils nocturnes et en améliorant la qualité de sommeil(15). De surcroît, elle permet de limiter le stress(16).
La phytothérapie est également une aide précieuse pour lutter contre les insomnies et retrouver une certaine qualité de sommeil. Elle permet souvent de se passer de médicaments aux effets secondaires relativement lourds et provoquant une dépendance.
- l’aubépine agit tout particulièrement en cas d’anxiété, d’émotivité et de stress contribuant aux insomnies.
- la passiflore(17) tend à diminuer le temps d’endormissement et à améliorer les phases de sommeil profond.
- la mélisse, relaxante, favorise l’endormissement et ce tout particulièrement après un dîner un peu trop lourd(17).
- la valériane, apaisante permet de retrouver un sommeil de qualité et d’éviter les réveils nocturnes, notamment en cas d’irritabilité et de tension nerveuse.
- le millepertuis peut être utile lorsque les insomnies sont associées à des troubles de l’humeur (déprime passagère). Il faut néanmoins rester vigilant car les interactions médicamenteuses sont nombreuses. Si vous suivez l’un des traitements suivants, ne prenez pas de millepertuis : antidépresseurs de synthèse, anti-cancéreux et ciclospirine (un immunosuppresseur), exposition à des traitements de photothérapie et de radiothérapie (le millepertuis favorise une grande photosensibilité), anti-douleurs, anti-migraineux, médicaments de la sphère cardiovasculaire, anti-sida, anti-inflammatoires, anti-coagulants, contraceptifs hormonaux, etc.
Éviter les problèmes digestifs
Difficultés d’endormissement, réveils nocturnes, réveils précoces, impressions de ne pas bien récupérer… autant de troubles du sommeil qui, s’ils sont souvent associés au stress, peuvent également être liés à des problèmes digestifs.
Par exemple, si vous avez du mal à vous endormir ou que vous vous réveillez en début de nuit, cela peut révéler un dysfonctionnement du foie ou de la vésicule biliaire. Adoptez alors autant que faire se peut une alimentation détox afin de renforcer vos fonctions hépatiques et misez sur l’artichaut connu pour soulager les malaises digestifs reliés à un mauvais fonctionnement de la vésicule biliaire et du foie.
Un autre exemple : si vous avez tendance à vous réveiller aux aurores, cela est souvent typique d’un dysfonctionnement du gros intestin, tout particulièrement en cas de syndrome du côlon irritable. Afin de limiter ce problème, adoptez une alimentation pauvre en FODMAP qui limite les aliments contenant des glucides ou sucres qu’on dit «fermentescibles». Ces glucides sont fermentés par les bactéries du côlon et provoquent des symptômes digestifs susceptibles de vous réveiller de très bonne heure. Afin de rééquilibrer votre flore intestinale, n’hésitez pas à faire une cure de probiotiques (18) et à vous supplémenter en glutamine qui permet de rétablir la perméabilité intestinale (19).
Le manque de sommeil est un facteur de nombreuses affections souvent lourdes. Toutefois, connaître les risques est un véritable déclic pour changer ses habitudes afin de lutter contre les insomnies et retrouver des nuits sereines et de préserver sa santé physique et mentale.
Sources:(1) Sabrina T Wiebe, Jamie Cassoff, and Reut Gruber : Sleep patterns and the risk for unipolar depression: a review. Nat Sci Sleep. 2012; 4: 63–71. Vikesh Khanijow, Pia Prakash, Helene A. Emsellem, Marie L. Borum, David B. Doman : Sleep Dysfunction and Gastrointestinal Diseases. Gastroenterol Hepatol (N Y). 2015 Dec; 11(12): 817–825.(2) (Al Khatib HK, Harding SV, Darzi J, Pot GK. The effects of partial sleep deprivation on energy balance: a systematic review and meta-analysis. Eur J Clin Nutr. 2016 Nov 2. doi: 10.1038/ejcn.2016.201. (3) Chaput JP. : Is sleep deprivation a contributor to obesity in children? Eat Weight Disord. 2016 Mar;21(1):5-11. doi: 10.1007/s40519-015-0233-9.(4) Gutiérrez-Repiso C, Soriguer F, Rubio-Martín E, Esteva de Antonio I, Ruiz de Adana MS, Almaraz MC, Olveira-Fuster G, Morcillo S, Valdés S, Lago-Sampedro AM, García-Fuentes E, Rojo-Martínez G. : Night-time sleep duration and the incidence of obesity and type 2 diabetes. Findings from the prospective Pizarra study. Sleep Med. 2014 Nov;15(11):1398-404. doi: 10.1016/j.sleep.2014.06.014.(5) Tobaldini E, Costantino G, Solbiati M, Cogliati C, Kara T, Nobili L, Montano N. : Sleep, sleep deprivation, autonomic nervous system and cardiovascular diseases. Neurosci Biobehav Rev. 2016 Jul 7. pii: S0149-7634(16)30218-4. doi: 10.1016/j.neubiorev.2016.07.004.(6) Urrila, A. S., Artiges, E., Massicotte, J., Miranda, R., Vulser, H., Bézivin-Frere, P., ... & Garavan, H. (2017). Sleep habits, academic performance, and the adolescent brain structure. Scientific reports, 7, 41678.(7) Lucey, B. P., Hicks, T. J., McLeland, J. S., Toedebusch, C. D., Boyd, J., Elbert, D. L., ... & Mawuenyega, K. G. (2018). Effect of sleep on overnight cerebrospinal fluid amyloid β kinetics. Annals of neurology, 83(1), 197-204.(8) Tina Kold Jensen, Anna-Maria Andersson, Niels Erik Skakkebæk, Ulla Nordstrøm Joensen, Martin Blomberg Jensen, Tina Harmer Lassen, Loa Nordkap, Inge Alhmann Olesen, Åse Marie Hansen, Naja Hulvej Rod, Niels Jørgensen; Association of Sleep Disturbances With Reduced Semen Quality: A Cross-sectional Study Among 953 Healthy Young Danish Men, American Journal of Epidemiology, Volume 177, Issue 10, 15 May 2013, Pages 1027–1037,(9) Davis, S., Mirick, D. K., & Stevens, R. G. (2001). Night shift work, light at night, and risk of breast cancer. Journal of the national cancer institute, 93(20), 1557-1562.(10)Kakizaki, M., Inoue, K., Kuriyama, S., Sone, T., Matsuda-Ohmori, K., Nakaya, N., ... & Tsuji, I. (2008). Sleep duration and the risk of prostate cancer: the Ohsaki Cohort Study. British journal of cancer, 99(1), 176.(11) Goldstein, L. B., Adams, R., Alberts, M. J., Appel, L. J., Brass, L. M., Bushnell, C. D., ... & Hart, R. G. (2006). Primary prevention of ischemic stroke: A guideline from the American heart association/American stroke association stroke council: Cosponsored by the atherosclerotic peripheral vascular disease interdisciplinary working group; cardiovascular nursing council; clinical cardiology council; nutrition, physical activity, and metabolism council; and the quality of care and outcomes research interdisciplinary working group: The American academy of neurology affirms the value of this guideline. Stroke, 37(6), 1583-1633.(12)Kynast-Gales, S. A., & Massey, L. K. (1994). Effect of caffeine on circadian excretion of urinary calcium and magnesium. Journal of the American College of Nutrition, 13(5), 467-472.(13)Brondel, L., Romer, M. A., Nougues, P. M., Touyarou, P., & Davenne, D. (2010). Acute partial sleep deprivation increases food intake in healthy men–. The American journal of clinical nutrition, 91(6), 1550-1559.(14)Panorama du médecin, 30 novembre 2015(15)Held, K.; Antonijevic, I.; Künzel, H.; Uhr, M.; Wetter, T.; Golly, I.; Steiger, A.; Murck, H., Oral Mg2+ Supplementation Reverses Age-Related Neuroendocrine and Sleep EEG Changes in Humans, Pharmacopsychiatry 2002; 35(04): 135 - 143(16) Wienecke, E., & Nolden, C. (2016). Long-term HRV analysis shows stress reduction by magnesium intake. MMW Fortschritte der Medizin, 158(Suppl 6), 12-16.(17) Dr C. Duraffourd, Dr J. C. Lapraz, Etude de l'activité anxiolytique et hypnotique de l'association de Passiflore et de Mélisse dans le traitement des états anxieux, 1990(18) Guarner, F., Khan, A. G., Garisch, J., Eliakim, R., Gangl, A., Thomson, A., ... & De Paula, J. A. (2011). Probiotiques et prébiotiques. World Gastroenterology Organisation Global Guidelines.(19) Van Der Hulst, R. R., Von Meyenfeldt, M. F., Deutz, N. E. P., Soeters, P. B., Brummer, R. J. M., von Kreel, B. K., & Arends, J. W. (1993). Glutamine and the preservation of gut integrity. The Lancet, 341(8857), 1363-1365.